La pièce de 20 cents de la Province du Canada
L’arrivée de la pièce de 20 cents en 1858 fut un échec. Aujourd’hui cette monnaie impressionne mais elle le fut beaucoup moins au moment de sa sortie. Elle attire maintenant les collectionneurs en raison de sa dénomination exceptionnelle mais que s’est-il passé depuis? Avant de vous dévoiler quelques brides de son histoire, situons-nous dans le contexte de l’époque. Les chemins de fer sont nouveaux, les locomotives à vapeur commencent à sillonner les campagnes pour établir un lien avec les principales villes du pays. La course pour trouver de l’or s’effectue en direction de l’ouest de l’Amérique où bien des gens espèrent en trouver de grandes quantités. Un journal de la Colombie-Britannique prêche l’annexion de cette colonie avec les États-Unis et près de 800 000 émigrants sont arrivés sur le territoire canadien durant les 40 dernières années. Inutile de vous mentionner que ce fut une période de grandes transitions.
Durant les années 1850 la Province du Canada comprenait les territoires du Québec et l’Ontario et elle n’avait pas encore sa propre monnaie. On se contentait des pièces étrangères comme celles des États-Unis, de l’Angleterre, de l’Espagne et autres sans oublier les nombreux jetons anglais et locaux. La conversion de toutes ces pièces amenait un problème de calcul pour plusieurs et les Canadiens désiraient maintenant une unité monétaire identifiée à eux. Bientôt d’autres colonies de l’Amérique manifesteront le même désir.
Image provenant de www.herodote.net
En juin 1851 les colonies du nord de l’Amérique se regroupent afin de faire pression sur l’Angleterre pour obtenir une unité monétaire en dollar. Il s’agissait de la Province du Canada, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Peu après l’Angleterre répond qu’elle est prête à donner suite à la demande mais avec un système axé autour de la livre sterling. Ce n’est pas au goût des Canadiens car ici en Amérique en raison de la proximité des États-Unis et du commerce effectué avec eux, on désire aussi le dollar.
Vers 1855 afin de faire pression et d’accélérer la solution, la Province du Canada adopte une loi pour force les grandes institutions commerciales comme les institutions bancaires et les compagnies d’assurances à tenir simultanément une comptabilité dans leurs volumes avec les systèmes canadien et anglais.
Près de cinq ans plus tard après des discussions parfois très vives, une entente survient et le dollar devient l’unité monétaire pour la Province du Canada et pour les autres colonies de l’Amérique qui le désirait (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et l’Ile du Prince Edouard). La valeur du futur dollar de la Province du Canada sera fixée au pair avec les États-Unis. Il est à mentionner que la livre anglaise équivalait à 5$ canadiens mais l’ancienne unité anglaise utilisée dans les colonies d’Amérique identifiée « Cours d’Halifax » équivalait à 20% de moins soir à 4$. Voilà pourquoi les 4$ en sein de notre ancien papier-monnaie bancaire et du 20 cents au lieu du 25 cents.
Photo provenant de www.canadacurrency.com
La livre anglaise contenait 20 pièces de shilling équivalaient à nos pièces de 25 cents tandis que la livre anglaise « cours d’Halifax » contenait toujours 20 pièces mais équivalent à 20 cents. Lorsque les premières monnaies furent frappées en Angleterre en 1858 pour la colonie, on reçut des pièces d’un cent, de 5 cents, de 10 cents et de 20 cents. Un problème survint avec le 20 cents (750 000 pièces) qui était d’une dimension presque semblable au 25 cents américain et au shilling anglais mais d’une valeur moindre.
Les Canadiens pour diverses raisons avaient l’impression d’en avoir moins pour leur agent face aux pièces anglaises et américaines qui circulaient en grand nombre au Canada. De plus pour plusieurs Canadiens de l’ancien Bas-Canada, l’effigie de la Reine Victoria sur l’avers des pièces n’était pas encore très populaire suite aux événements de 1837-1838. Ayant l’intention de faire accepter les pièces par la population, le Gouvernement local fit de nombres efforts pour empêcher les monnaies américaines de circuler au pays. Des courtiers furent engagés et recevaient une commission de 5% à 6% pour ramasser les pièces américaines afin de les retourner aux États-Unis (près de cinq millions de dollars furent retournés sur une période de quelques années). De son côté, le Ministère des Postes en 1863 accepta le 25 cents américain qu’à une valeur de 23 cents et le shilling anglais à une valeur de 24 cents pour aider à solutionner le problème.
Ce sera qu’en 1870 que le problème sera résolu pour de bon avec une nouvelle émission de pièces canadiennes de 25 cents, imitant celle des États-Unis. Pourtant les pièces de 20 cents étaient très belles tant sur l’avers que le revers. Elles avaient été dessinées par Léonard C. Wyon et plus de 500 000 de ces pièces furent retournées à Londres vers 1885 pour la refonte.
Un fait cocasse est survenu peu avant. Un ensemble unique de deux pièces (avers & revers) dans un magnifique coffret avait été présenté à la reine Victoria au moment de son émission mais il semble que la reine n’était pas numismate car en 1881 on retrouve l’ensemble en vente dans une firme spécialisée à Londres.
De nos jours la pièce de 20 cents n’est pas très rare mais sa demande au sein des collectionneurs est forte et sa valeur est plus élevée que d’autres pièces dont le tirage peut se comparer. J’aimerais ajouter que le Nouveau-Brunswick a émis des pièces de 20 cents en 1862 et en 1864 et Terre-neuve entre les années 1865 et 1912.
Photo provenant de www.icollector.com
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