Allégorie de l’électricité
À l’endos du billet de 5$ de 1935 et de 1937 (voir image #1) figure l’allégorie de l’électricité. Ce thème allégorique est un thème mettant à l’avant plan la modernisation de l’industrialisation du Canada. Étant donné que le Canada, étant une formelle colonie britannique au début du XIXe et ensuite exportatrice pour le compte des États-Unis, le dominion n’a pas eu, toujours au cours du XIXe, l’opportunité de massivement développer sa capacité productrice industrielle telle que l’ont fait les États-Unis et la Grande-Bretagne puisque celui-ci exportait ses ressources naturelles brutes sans les transformer en industries.
Ce faisant, le Canada, au XXe siècle, maintenant fort et maître de ses décisions à l’intérieur de ses frontières, peut donc entreprendre le virage d’une production au charbon vers une production à l’électricité étant donné que son parc industriel est en phase de développement. Ainsi, alors que la Grande-Bretagne et les États-Unis entreprennent difficilement le virage dû à leur massif parc industriel national, le Canada, lui, peut aisément se tourner vers les nouvelles technologies en matière de production, lui permettant donc d’utiliser et de transformer un arriérage en force.
L’électrification et la production électrique, au Canada, en 1935-1937, représente, pour le gouvernement, un atout qui a permis d’attirer des entreprises étrangères et de nouveaux capitaux lors du tournant du siècle. Maintenant que ces entreprises sont installées et que les villes sont électrifiées, le Canada rejoint donc le rang des pays modernes où le développement et l’essor semblent sans fin. Alors que le virage du charbon à l’électricité est bien entamé, en 1935-1937, l’électrification du Canada représente un pan significatif entre la «vieille» industrialisation représentée par des industries colonialistes ou à tendance colonialistes vers une industrie autonome, prospère, moderne et diversifiée. Autour des années 1880,étant donné la somme colossale de capitaux nécessaire pour ériger une centrale électrique, c’est surtout les entreprises privées qui construisent de petites centrales pour s’auto-approvisionner et pour approvisionner quelques résidences et infrastructures proches de l’usine.
Ce faisant, au tournant du siècle, la distribution électrique aux infrastructures publiques et résidentielles n’étant pas constante et garantie, c’est en Ontario que l’on voit naître des groupes de pressions et des investissements publics pour assurer et gérer la production, le transport et la distribution de l’électricité aux installations jugées non nécessaire par les compagnies privées. Ainsi, au début des années 1910, une municipalisation de l’électricité voit le jour. Cette municipalisation permet la distribution adéquate de l’électricité et garantie la priorisation de la population; en contrepartie, la municipalité injecte des fonds publics pour construire de nouvelles et plus grosses centrales pour que tous y trouvent leurs comptes.
C’est donc forte d’une alliance entre le privée et le publique que le tissus urbain s’électrifie. Ce mouvement, enclenché au Sud de l’Ontario, va inspirer les Maritimes, le Manitoba et la Saskatchewan à faire de même, mais à un niveau provinciale plutôt que municipale. Donc, à la fin des années 1910, ces provinces ont un réseau électrique public bien implanté et l’Ontario, toujours leader du mouvement, annexe les différents regroupements municipaux en un grand consortium public qui priorise l’implantation de l’hydroélectricité et l’électrification les régions rurales afin de rendre l’électricité plus accessible, abordable et stable. Rendu aux années 1935-1937, le Canada est fier de la manière dont l’électricité s’est développé au sein de ses provinces bien que le Québec fasse bande à part en terme d’électrification où ce sont d’archaïques compagnies privées qui produisent pour elles-mêmes et vendent de menus surplus à des prix exorbitant.
Étant chef de file mondial en termes de développement de l’hydroélectricité et de l’électrification des régions rurales, le Canada montre donc au monde entier la rapidité de son virage électrique et la social-démocratie que fait preuve ses provinces en matière de gestion, production et distribution de l’électricité.
D’une composition en trois plans, l’allégorie de l’électricité fait la promotion de l’hydroélectricité, soit le secteur électrique le plus vigoureux au Canada. Sur le premier plan figure la représentation de l’électricité personnalisée en divinité masculine ayant à la main une masse pour montrer que cette divinité est prête à construire des infrastructures d’envergure puisque la masse est un outil bien plus gros que le traditionnel marteau.
Au deuxième plan, l’on constate une énorme centrale hydroélectrique, soit la fierté structurante du gouvernement, et, bordant la centrale, beaucoup d’eau fortement en mouvement, soit pour montrer le potentiel hydroélectrique et la puissance qui résident au sein du territoire canadien. Pour conclure, au troisième plan, l’on y trouve une forêt et des montagnes témoignant de l’étendue presque mythique et sans fin du territoire canadien, ce qui permet de promouvoir, auprès de la population et des investisseurs, l’immense potentiel de développement et d’exploitation qui réside au sein du territoire canadien.
Ce faisant, l’allégorie de l’électricité fait la promotion du potentiel de développement du Canada puisque celui-ci détient les outils et les ressources nécessaires pour les investisseurs. Alors que l’œuvre est composée en pleine crise économique, il s’agit d’un clair rappel à la population que le Canada détient les infrastructures structurantes nécessaires pour s’en sortir et reprendre son développement.
Sources :
Banque du Canada. (2006). L’œuvre artistique dans les billets de banque canadiens. Ottawa. Canada
Graham, R. J. (2017). A Charlton Standard Catalogue; Canadian Government Paper Money. 29em édition, The Charlton Press. Toronto. Canada. 424 p.
Linteau, Paul-André. (2014). Que Sais-je?; Histoire du Canada. 5em édition. Paris. France. 126 p. Kenneth Norrie, Douglas Owramet J.C. Herbert Emery. (2008).A History of the Canadian Economy. Toronto. Nelson. 466 p.