Le monnayage colonial français (La monnaie de l’Indochine française)
L’Indochine française (en vietnamien : Đông Dương thuộc Pháp ou l’Union indochinoise française) est une ancienne colonie d’exploitation, création de l’administration coloniale, regroupant, sous une administration unique : le Tonkin, l’Annam et la Cochinchine sous le nom d’état du Viêt Nam (territoire identique à celui de l’actuelle République socialiste du Viêt Nam), le Laos et le Cambodge et le territoire de Kouang-Tchéou-Wan. L’unité monétaire y est la piastre.
Après une phase de conquête où se distinguèrent missionnaires, officiers et géographes, la politique coloniale française en Indochine vit s’illustrer des hommes politiques comme Jules Ferry, Paul Bert, Paul Doumer ou Albert Sarraut.
Lourde fiscalité et pression administrative furent à l’origine de troubles, avant que la montée du nationalisme annamite, la seconde guerre mondiale et l’intervention du Japon ne mettent fin à un siècle de présence française en Indochine.
La conquête de l’Indochine
L’évangélisation du Tonkin, de la Cochinchine et du Cambodge se fait entre 1658 et 1700.
Les premiers missionnaires catholiques de nationalités portugaise, espagnole, italienne et française mettent le pied en Indochine au XVIIe siècle et fondent des communautés chrétiennes.
Dans les années 1620, un missionnaire, le père Alexandre de Rhodes, met au point une écriture vietnamienne fondée sur l’alphabet latin. Toutefois, l’enseignement du Hán tự, le système d’idéogrammes chinois, continue dans les écoles. En 1661, le missionnaire François Pallu part pour une mission d’évangélisation et d’alphabétisation au Tonkin.
Il faudra attendre le début du XXe siècle, pour que le Quốc ngữ, le vietnamien alphabétisé, s’impose graduellement, malgré la résistance des lettrés. Le Quốc ngữ sera imposé dans les écoles au détriment du sino-vietnamien, jugé comme un patois déchu. Ce nouvel alphabet facilitant l’apprentissage du français, l’administration française n’y sera pas étrangère.
En 1757-1761, la France perd ses possessions en Inde, à la suite de la guerre de Sept ans contre le Royaume Uni. (Monnaies et détection, n°82 et n°84)
À partir de 1763, sous Louis XV, les Français vont donc chercher à s’implanter en Asie pour s’assurer des débouchés. C’est le début des relations diplomatiques et des aides militaires françaises à l’Annam et au Tonkin. C’est aussi la présence des premiers commerçants français à Tourane et Saïgon.
L’empire d’Annam est dirigé par la dynastie des Nguyễn, qui s’étend du nord au sud de la péninsule indochinoise, sur sa côte orientale, du delta du Fleuve Rouge à celui du Mékong. Il est bordé à l’ouest par l’actuel Laos, morcelé en principautés, et au sud-ouest par le royaume khmer, entré dans une longue période de décadence.
De 1783 à 1788, sous Louis XVI, un premier projet de colonisation est mis en place : la France aide l’empereur Gia Long à prendre le pouvoir. Gia Long unifie le Vietnam. En remerciement, la France reçoit le comptoir de Tourane et l’archipel Poulo-Condore en 1788.
De 1793 à 1798, à cause de la Révolution française, la France renonce à son projet de conquête de l’Indochine, et abandonne le port de Tourane et l’archipel de Poulo-Condore.
Lors du Traité de Vienne (1815-1816), ces deux possessions abandonnées ne sont même pas évoquées.
Sous Louis XVIII, un retour colonial en Asie est envisagé. Des religieux et des conseillers militaires sont envoyés après 1817.
La conquête de l’Algérie et sa pacification (1830-1848) retarde un retour militaire en Indochine, qui ne sera pas effectif avant les années 1850.
Au cours des années 1840, la persécution ou le harcèlement des missionnaires catholiques par les empereurs Minh Mạng et Thiệu Trị (r. 1841-1847) ne suscita que des réponses sporadiques et non officielles des Français.
En 1847, la France intervient encore non officiellement pour protéger ses missions menacées par les empereurs. Elle attaque Da Nang (bataille navale de Tourane).
Dès 1854, des relations diplomatiques et militaires sont engagées avec le Cambodge qui deviendra protectorat français en 1863.
La France obtient l’Indochine province après province, de 1858 à 1887.
Les premières interventions militaires françaises officielles remontent à 1858, à l’époque du Second Empire (1852-1871) avec comme prétexte la protection des missionnaires et des communautés chrétiennes.
En août 1858, l’escadre franco-espagnole de Charles Rigault de Genouilly débarque à Tourane et s’en empare. C’est la première intervention militaire officielle des Français. C’est le début de la conquête de la Cochinchine. La campagne de Cochinchine (vietnamien : Chiến dịch Nam Kỳ, 1858-1862), commence comme une expédition punitive franco-espagnole limitée et se termine en guerre de conquête française. Elle se conclut par la colonisation française de la Cochinchine, prélude à presque un siècle de domination française au Viêt Nam.
En février 1859, Saïgon, capitale de la Cochinchine d’alors, est prise par la France, seule, car l’Espagne a auparavant abandonné la conquête après l’échec d’une tentative contre Hué.
Le 5 juin 1862, c’est la conclusion entre la France et l’empereur de l’Annam du Traité de Saïgon, stipulant que les trois provinces orientales du sud du Dai Nam : Bien Hoa, Gia Dinh, Vinh Tuong et l’île de Poulo Condor, deviennent la colonie de Cochinchine française. La France obtient également pour sa colonie la liberté religieuse, le droit de commercer et voyager librement le long du Mékong ; à ouvrir au commerce les ports de Tourane, Quang Yen et Ba Lac (à l’embouchure du Fleuve Rouge), le droit de commerce en Annam et au Tonkin et 4 millions de piastres (20 millions de francs or).
Les Français placèrent leurs trois provinces vietnamiennes du sud sous le contrôle du Ministère de la Marine.
En 1863, le Cambodge est placé sous protectorat français.
En 1867, la France érige en colonie la Cochinchine et annexe le Cambodge.
Le 15 mars 1874, des négociations entre la France et l’empereur d’Annam aboutissent au deuxième Traité de Saïgon, complété le 31 mars : le Fleuve Rouge (Song Hong), jusqu’à la frontière chinoise, est ouvert au commerce ainsi que les ports d’Hanoï, Haiphong et Qui Nonh.
Ce traité entraîne une guerre franco-chinoise (1881-1885) à cause de l’exploitation par les Français du port chinois d’Hanoï. A partir de 1883, Jules Ferry ordonne l’expédition du Tonkin.
En 1884, le Tonkin et l’Annam sont placés sous protectorat français. Le protectorat est un régime politique constituant l’une des formes de sujétion coloniale. Il diffère de la colonisation pure et simple en ce que les institutions existantes, y compris la nationalité, sont maintenues sur un plan formel, la puissance protectrice assumant la gestion de la diplomatie, du commerce extérieur et éventuellement de l’armée de l’État protégé.
En janvier 1886, Paul Bert est nommé Résident général (sorte de gouverneur) du protectorat de l’Annam-Tonkin. Il arrive à Hanoï le 8 avril 1886. Il y meurt du choléra 7 mois plus tard.
En 1887, la région qui regroupe la Cochinchine, le Tonkin et l’Annam est baptisée «Union indochinoise».
De 1887 à 1893, une lutte s’instaure entre la France et le Siam. Les pays du Laos, annexés par le Siam, sont à leur tour, placés sous protectorat français.
1896 voit la fin de la conquête d’un point de vue militaire.
De 1897 à 1911, l’Union indochinoise française, constituée par l’union de ces différents territoires d’Asie du Sud-Est, aux statuts officiels différents : colonisés ou passés sous protectorat français au cours du XIXe siècle, regroupe une colonie (la Cochinchine), trois protectorats (Annam, Laos, Cambodge), un semi-protectorat (le Tonkin) et un territoire à bail (Kouang-Tchéou-Wan, actuelle Péninsule de Leizhou, dans la province du Guangdong, en Chine). Kouang-Tchéou-Wan est annexé par la France le 27 mai 1898 dans l’espoir de développer un port d’importance comparable à Hong Kong.
En janvier 1900, l’annexion se transforme en un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans. Il passe sous l’autorité du gouverneur général d’Indochine française. Envahi par les Japonais en 1943, il sera rétrocédé à la Chine en 1946.
En 1907, le Cambodge récupère sur le Siam les provinces de Battambang et de Siem Reap (frontières de l’Indochine française jusqu’à la guerre franco-thaïlandaise de 1941).
L’Union indochinoise française est désormais une colonie d’exploitation qui prend un magnifique essor.
Au cours des années 1930, les Français exploitent différentes ressources naturelles dans les pays formant l’Indochine française. Par exemple, on trouve au Cambodge du riz et du poivre. La Cochinchine, l’Annam et le Tonkin permettent aux Français de mettre la main sur du thé, du riz, du charbon, du café, du poivre, de l’hévéa (caoutchouc), du zinc et de l’étain. Le Laos est le seul pays de l’Indochine à n’avoir aucun potentiel économique aux yeux de la France, mais ses commerçants sont réputés dans toute l’Asie du Sud-est pour leur savoir-faire en matière de transaction. La France entreprend de développer la riziculture au Laos.
Les Français ont le monopole de l’alcool de riz ainsi que de l’opium et du sel.
La cotonnière de Nam Dinh et les cimenteries de Haïphong participent aussi à l’économie de la colonie, de même que les plantations de caoutchouc, de création essentiellement française, dont les alignements géométriques ne laissent rien subsister des difficultés qu’il fallut surmonter pour vaincre la brousse envahissante, lutter contre la forêt, la fièvre, la chaleur…
Dans le domaine de l’équipement, il faut citer les deux magnifiques ouvrages ferroviaires qui font honneur aux techniciens français : le transindochinois qui sur 1800 kilomètres, relie le Nord au Sud de l’Indochine, le chemin de fer du Yunnan avec ses ponts en « dentelles » jetés sur de vastes précipices. Des canaux sont creusés, des barrages érigés, tel celui du Day, le plus grand au monde de ce genre pour l’époque, qui permet d’obtenir deux récoltes de riz, là où autrefois, le riziculteur avait peine à en obtenir une seule. 30000 kilomètres de réseaux routiers sont également aménagés.
Les Français construisent l’Institut Pasteur qui dispose à Hanoï, Nhatrang, Saïgon et Phnom Penh de vastes installations et fournissent des vaccins dans toute l’Asie du Sud-Est, installent des asiles de vieillards, des centres de lépreux, des orphelinats, des maternités, des hôpitaux, des infirmeries même dans les centres les plus reculés. La population, qui en 1880 est de 10 millions d’âmes, atteint 23 millions en 1939.
Dans le domaine culturel, il y a un développement considérable de l’enseignement à tous les échelons : création d’écoles, de lycées indochinois ou français, d’établissements d’instruction professionnelle, l’Université d’Hanoï avec ses facultés de Droit, de Médecine, de Pharmacie, l’Ecole Supérieure des Sciences, ses Ecoles d’agriculture, de sylviculture, des Travaux Publics et des Beaux-Arts, ainsi que l’Ecole d’Extrême-Orient qui par les travaux de ses savants donnent aux Indochinois une claire conscience de leur histoire. Cela permet la découverte des civilisations de l’ancien Cambodge et du Dai-Viêt aux alentours de 1880.
Cette œuvre française en Indochine reçoit, en 1933, l’hommage d’un éminent anglais, Lord Northcliff, qui déclare après avoir effectué un long séjour dans le pays « qu’elle est une réussite admirable ( Général Jean Marchand, L’Indochine en guerre, Edition les Presses Modernes, juillet 1954 ) ».
Du côté financier, la banque de l’Indochine, fondée en 1875, banque privée française, domine l’ensemble de l’économie vietnamienne. Elle dispose du monopole de la frappe de la piastre indochinoise. L’Indochine est, après l’Algérie, la colonie qui reçoit le plus d’investissements français (6,7 milliards de francs-or en 1940).
Avant 1888, les monnaies locales chinoises servaient dans les échanges.
De 1888 à 1948, la Banque indochinoise fait frapper une unité monétaire, la piastre, et des divisions de piastre (50 cents, 20 cents, 10 cents, 5 cents, 1 cent ou 1 centième, ½ cent, ¼ cent, 1 sapèque).
Des billets d’une piastre, de cinq, dix, vingt, cinquante, cent, deux cents, cinq cents et mille piastres sont également émis par la Banque d’Indochine.
Cependant, le mécontentement monte parmi la population locale.
La pression fiscale trop importante qui ne fait que renforcer l’endettement, déjà chronique de la paysannerie indochinoise fait des mécontents, même si cette fiscalité contribue à rendre possibles certains aspects de l’équipement, en particulier sur le plan ferroviaire.
On prélève beaucoup d’impôts : impôt foncier, capitation, taxes locales, mais surtout, l’administration française a le monopole des commerces de l’opium (En 1899, Paul Doumer réorganise le monopole de l’opium qui représente 1/3 des revenus de la colonie) , du sel et de l’alcool de riz. (Ce monopole compte pour 44% dans les rentrées du budget en 1920, et 20% en 1930.) «Il faut que les profits de l’Indochine reviennent aux Français », selon le général Pasquier, ce qui n’est pas très bien vu par la population locale.
Les jeunes intellectuels indochinois, élevés suivant les principes français d’égalité, de liberté, de fraternité humaine, ayant acquis dans les écoles des titres universitaires estiment devoir être dorénavant placés au même niveau que les Français et obtenir les emplois auxquels ils peuvent prétendre. Ils trouvent un exutoire dans les carrières libérales, celles d’avocats, de médecins ; mais l’administration française ne leur laisse qu’une place restreinte, les postes d’autorité, de direction, et même les emplois moyens sont tenus par des fonctionnaires français. La situation matérielle de ces employés indochinois demeure nettement inférieure à celle des fonctionnaires français de même compétence, ce qui rend flagrante l’injustice.
Ces diplômés d’études supérieurs déçus dans leur ambition et leurs espoirs, deviennent les premiers ferments de l’agitation révolutionnaire et glissent vers les partis extrémistes : nationalistes ou communistes.
Dès 1900, le nationalisme vietnamien réformiste et radical fait son apparition.
Malgré cette opposition nationale à la présence française, le développement systématique de l’Indochine se poursuit et lorsque qu’éclate le deuxième conflit mondial, l’Indochine est la colonie la plus riche de France.
Vers la décolonisation
Au XXe siècle, les différents mouvements indépendantistes vietnamiens gagnent en puissance : au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’affaiblissement de la métropole et l’occupation de l’Indochine par l’Empire du Japon, met fin à l’administration coloniale française le 9 mars 1945 (en juillet 1945 en Cochinchine). Le vide du pouvoir à la fin de la guerre permet au Việt Minh, mouvement indépendantiste vietnamien animé par le Parti communiste indochinois, de s’emparer du nord du pays. Les tentatives de conciliation et de réforme du statut de l’Indochine échouent et aboutissent en 1946 à la guerre d’Indochine. Devant l’impasse politique et militaire, la France doit se résoudre à abandonner l’Indochine, dont les composantes vietnamienne, laotienne et cambodgienne voient leurs indépendances reconnues par les accords de Genève de 1954, qui officialisent également la partition du Viêt Nam, selon les souhaits des Américains et des Chinois.
Le 27 avril 1919, Albert Sarraut, gouverneur général de l’Indochine, à Hanoï, lors d’un discours, propose une « collaboration franco-vietnamienne », pour calmer les esprits car bien des Français, en Indochine comme en métropole, avaient exprimé la nécessité d’associer plus étroitement les Indochinois (Annamites) à la politique française et à la gestion de leur pays.
En 1925, Nguyen Ai Quoc, un homme bientôt connu sous le nom d’Hô Chi Minh, fonde l’Association de la jeunesse révolutionnaire vietnamienne.
En février 1930, la Mutinerie de Yên Bái échoue. Le Parti national démocratique est décapité. Hô Chi Minh unifie les trois groupuscules communistes en un parti communiste indochinois, filiale du parti communiste français.
De 1930 à 1931, un soulèvement des paysans des régions de Nghe Tinh, Quang Nam, Quang Ngai et de Cochinchine est organisé par le parti communiste indochinois
De 1930 à 1934, la crise économique mondiale qui a commencé aux États-Unis en 1929 s’étend en Indochine.
De 1936 à 1937, un grand mouvement social (grèves, occupations de terres) se met en place.
En 1940, les Japonais occupent l’Indochine française, mais la France avec l’aide de la Grande Bretagne parvient à s’y rétablir après la Seconde Guerre mondiale.
Le 29 juillet 1941, le gouvernement de Vichy passe des accords avec celui de Tokyo : les accords Darlan-Kato, qui régissent les relations entre l’Empire du Japon et le gouvernement de Vichy sur le territoire de l’Indochine française à la suite de l’invasion japonaise de 1940. Pendant ce temps, la France est occupée par l’Allemagne. Le Parti communiste indochinois lance l’insurrection armée en Cochinchine et échoue.
En 1943, les Douanes et les Régies qui dépendent de la Direction des Finances commandent à l’atelier d’Hanoï, deux monnaies : 1 taël ou bya et ½ taël ou ½ bya, pour effectuer des achats d’opium (L’opium est une préparation psychotrope obtenue à partir du latex du pavot somnifère. Ses effets provoquent notamment une somnolence chez le consommateur) au Laos et au Tonkin.
En 1945, le 9 mars, les garnisons françaises sont attaquées par surprise par l’armée impériale japonaise. L’indépendance du Laos et du Cambodge est proclamée à la même date.
Le 11 mars, l’empereur Bao Dai proclame l’indépendance du Tonkin, de l’Annam et de la Cochinchine, sous le nom de l’Empire du Viêt Nam, avant d’abdiquer quelques mois plus tard. Le 24 mars, De Gaulle, chef du Gouvernement Provisoire de la République française, veut récupérer l’Indochine française.
Des militaires français aidés par des contingents locaux, résistent à l’occupation japonaise (révolution des 13 et 14 août 1945). Le 15 août, l’amiral Thierry d’Argenlieu est nommé haut commissaire en Indochine dans les territoires reconquis. Le 22 août, Jean Sainteny arrive à Hanoï.
Le 2 septembre, les Japonais capitulent, mais le Vietminh prend le pouvoir au Tonkin et au nord de l’Annam et proclame l’indépendance de la République démocratique du Viêt Nam (RDV). Le 11 septembre, les Chinois reviennent dans leur ancien territoire d’Hanoï.
Le 5 octobre, le général Leclerc débarque à Saïgon, suivi de l’amiral d’Argentlieu le 31 octobre.
En 1946, La France reconnaît l’autonomie des Etats indochinois au sein de l’Union française qui deviendront, en 1954, Etats associés (royaume du Cambodge et du Laos et Etats du Viêt Nam). Mais l’échec des négociations sur le statut définitif du Viêt Nam va provoquer la guerre (1946-1954).
En 1946, le 6 mars, les militaires français professionnels et volontaires débarquent à Haïphong et le 18 mars, le général Leclerc entre à Hanoï. C’est le début du conflit armé qui se déroule de 1946 à 1954 (appelé guerre d’Indochine). Il aboutit à la dissolution de l’Union indochinoise française, ainsi qu’à la sortie de l’Empire colonial français des pays la composant et à la division en deux États rivaux du territoire vietnamien.
Le 1er juin, la république indépendante de Cochinchine est proclamée.
Du 6 juillet au 1er août, a lieu la conférence de Fontainebleau (en Seine et Marne) entre le gouvernement français et le Viêt-minh afin de trouver une solution au conflit et à l’indépendance du Viêt Nam.
Le 23 novembre, les Français bombardent Haïphong et le 19 décembre, une insurrection éclate à Hanoï contre les Français.
Le 23 décembre 1947, le Laos et le Cambodge adhèrent à l’Union française. Paris récuse toute perspective de négociations avec Hô Chi Minh.
Le 5 juin 1948, un Gouvernement central provisoire du Viêt Nam réunit l’Annam et le Tonkin, en attendant de pouvoir fusionner avec la Cochinchine (Accords de la baie d’Along).
En 1949, le 8 mars, des accords sont établis entre le président français Vincent Auriol et l’empereur vietnamien Bao Dai revenu en grâce.
Le 14 juin voit la création de l’État du Viêt Nam, associé à l’Union française et dirigé par le chef d’État Bao Dai, dernier empereur de la dynastie Nguyen.
A partir de 1949, les protectorats du Tonkin et de l’Annam et la colonie de Cochinchine, sont regroupés au sein de l’État du Viêt Nam (territoire identique à celui de l’actuelle République socialiste du Viêt Nam).
Le 19 juillet, le Laos devient État associé.
Le 1er octobre, Mao-Tsé-Toung, chef du Parti communiste chinois, proclame la République populaire de Chine après avoir remporté une guerre civile, qui avait commencé en 1946, contre les troupes nationalistes dirigées par le général Tchang Kaï-chek, ancien commandant en chef des forces alliés en Asie pendant la Seconde Guerre mondiale. Les troupes nationalistes s’enfuient vers l’île de Formose (devenue Taïwan) pour former un gouvernement indépendant face à la Chine.
Le 8 novembre, le Cambodge devient État associé à la France.
En décembre, les troupes communistes chinoises arrivent à la frontière du Tonkin.
En 1950, en janvier, la République démocratique du Viêt Nam est reconnue par la République populaire de Chine, puis par l’Union soviétique. L’Assemblée nationale française ratifie des accords d’association des États d’Indochine.
Le 7 février, les États-Unis reconnaissent le gouvernement Bao Dai.
Du 3 au 8 octobre, on assiste à la défaite française de Cao Bằng.
En décembre, le général de Lattre de Tassigny est nommé haut-commissaire en Indochine.
En mars 1953, une offensive vietminh a lieu dans le nord du Laos qui se retrouve en état de guerre civile.
La même année, un scandale énorme éclate en France : l’Affaire des piastres, avec la parution du livre de Jacques Despuech, Le Trafic des piastres, édition Deux Rives.
La piastre indochinoise en argent, unité monétaire de l’Indochine française, frappée par la Banque d’Indochine avait un cours administrativement lié au franc, à la façon du franc CFP ou du franc CFA.
Le taux de change pour les transferts Indochine-France est fixé à 17 francs en 1945, alors que sa valeur sur les marchés asiatiques est de 10 francs ou moins, 8,50 francs. La différence, payée par le Trésor (donc le contribuable français), s’élève à environ 8,50 francs selon Jacques Despuech, auteur du premier livre sur l’affaire en 1953 et journaliste de La Nation française (1955-1967), un hebdomadaire royaliste. Pour bénéficier de ce taux avantageux et subventionné, il faut justifier le transfert et obtenir l’aval de l’Office indochinois des changes (OIC). La situation troublée de l’époque ne facilitant pas les contrôles de l’OIC, un trafic par le biais de fausses exportations, fausses factures ou surfacturations, impliquant Français et Vietnamiens, se met en place à partir de 1948.
Une fois le transfert obtenu, on peut recommencer à l’infini l’opération. Il suffit de faire rentrer illégalement de l’or à Saïgon – le gramme valait 586 F à Paris et 1 300 F en Indochine – ou des dollars via Hongkong, Colombo ou Macao. Les trafiquants les échangent contre des piastres, qui font l’objet d’un nouveau transfert vers Paris.
Ce trafic que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de l’Affaire des piastres est mis au jour en 1950 (Le 17 janvier 1950, une commission d’enquête parlementaire fut nommée. Mais elle ne trouva jamais le temps d’achever ses travaux), éclaboussant un certain nombre de personnalités politiques françaises et indochinoises de haut rang. Des soldats français (y compris des tirailleurs sénégalais et des Marocains), ainsi que des combattants du Viet Minh en bénéficiaient également. Ce trafic extrêmement juteux jeta le discrédit sur toute la classe politique française. Des soupçons pesèrent sur des personnages politiques haut-placés (http://saigon-vietnam.fr/indochine_5.php, Article tiré du journal « Marianne » du 08 Juillet 2002 ).
Les accords d’indépendance des États associés de décembre 1954 sonnent le glas de l’existence de la piastre et mettent fin au trafic. Chacun de ces États met en circulation sa propre monnaie nationale : le Dong nord-vietnamien en République démocratique du Viêt Nam, le Dong sud-vietnamien en République du Viêt Nam, le Riel au Cambodge et le Kip au Laos.
Ce trafic eut des répercussions importantes : « L’affaire des piastres contribua à mettre un terme à la « sale guerre » et aussi à la déqualification d’un personnel politique jugé corrompu. Elle permit aux poujadistes de faire campagne sur le thème du « tous pourris » et assura le succès électoral d’un député élu en janvier 1956, Jean-Marie Le Pen, ultime bénéficiaire de cet invraisemblable scandale financier » (extrait d’un Article tiré du journal « Marianne » du 08 Juillet 2002).
En 1954, le 25 janvier commence la Conférence de Berlin. Le communiqué final annonce qu’une prochaine Conférence, sur les questions asiatiques, se tiendra à Genève.
Le 13 mars débute la bataille de Dien Bien Phu entre les Français et les Viêt-Minhs
Le 26 avril, la conférence annoncée sur les questions asiatiques a lieu à Genève comme prévu.
Le 7 mai, les Français sont battus à Dien Bien Phu. Le 8 mai 1954 débute de la phase indochinoise de la Conférence de Genève. Le 4 juin, les traités franco-vietnamiens sont signés à Paris par les deux chefs de gouvernement Laniel et Buu Lôc : la France reconnaît le Viêt-Nam comme un « État pleinement indépendant et souverain ». Le 20 juillet, les accords de Genève sont signés et mettent fin à la présence française en Indochine. Le 9 octobre, les Français évacuent Hanoï.
Le 1er novembre, la guerre d’Algérie débute dans ce contexte tourmenté. Des militaires sont envoyés directement d’Indochine en Algérie sans avoir pu revoir leur famille en France.
En décembre, la France signe des accords d’indépendance avec les États associés : le Laos, le Cambodge et le Sud-Vietnam qui forment alors la Fédération indochinoise.
Le 15 mai 1955, les dernières troupes françaises quittent le Nord-Vietnam.
Le 21 juillet 1956, les dernières troupes françaises quittent le Sud-Vietnam.
L’année 1958 voit la fin des dernières plantations françaises au Nord Vietnam et le départ des derniers colons français.
En 1975, c’est la fin des dernières plantations françaises au Sud-Vietnam. Les terres des colons sont saisies et nationalisées par le Vietnam communiste et réunifié. Les derniers colons français et européens sont expulsés. Déjà, avant 1975, le plus grand nombre avait pris la fuite.
Monnaies et Détections, n°85, décembre 2015-janvier 2016, « Le monnayage colonial français, La monnaie de l’Indochine française », p. 36-41 Numibec, n°4, février 2016, «Le monnayage colonial français, La monnaie de l’Indochine française », p. 5-18